LITTLE BOB STORY: High Times 76-88 (2018)

Pour la sortie de cette compilation, j’aurais pu écrire beaucoup de choses. J’aurais pu écrire que Little Bob possède une voix merveilleuse pour chanter le rock et le blues. J’aurais pu ajouter que son parcours force l’admiration (un chanteur français, italien d’origine, qui gagne sa renommée en Angleterre). J’aurais pu vous raconter que dans les années 80, dans les milieux branchés du soi-disant rock franchouillard, il était de bon ton de détester Little Bob Story. Là, peu de vrais rockers mais beaucoup de branleurs tentant de mêler un intellectualisme de bazar à une musique sans talent. « Ouais, mais tu vois, heu… Liitle Bob, boff… chanter en anglais, heu… tu vois, quoi… ». Quand j’avais un de ces détracteurs en face de moi, je lui demandais simplement s’il connaissait un autre artiste français qui cartonnait au Royaume-Uni et qui était pote avec Lee Brilleaux de Doctor Feelgood et Lemmy de Motorhead. Généralement, cela lui fermait la bouche. Et si la pédagogie ne suffisait pas, on passait à la ponctuation : les poings sur les « i », la barre de fer sur les « t ». Après cette séance de culture physique, l’individu en question admettait bien volontiers que Little Bob Story, c’était du sérieux. J’aurais pu vous dire que Little Bob a mis le paquet pour cette réalisation (deux cd et un dvd pour moins de vingt euros). J’aurais pu vous vanter la présence d’un titre inédit et d’une démo jamais entendue. J’aurais pu m’étendre sur le dvd « Rockin’ class hero » où l’on voit des personnalités de la musique (dont le grand Eric Burdon) rendre hommage au petit Roberto. J’aurais pu disserter en longueur sur le choix des morceaux et sur la difficulté de concevoir un « best of » (dans une interview, Little Bob avoue lui-même avoir eu toutes les peines du monde pour sélectionner ses chansons). J’aurais pu affirmer qu’une telle démarche ne peut pas contenter tout le monde car chacun a ses propres morceaux favoris (moi, par exemple, j’aurais bien aimé que Roberto incorpore « Johnny and the devil »). J’aurais pu clamer haut et fort que tous ces vieux titres n’ont pas pris une ride, que la voix de Lemmy en intro de « High time » refile toujours autant les jetons, que « Riot in Toulouse » reste indémodable et que « Too young to love me » demeure un monument du rock. Oui, j’aurais pu faire tout cela mais j’ai préféré me concentrer sur la partie live de cette compilation car c’est bien sur scène que ce groupe mythique a donné toute sa mesure. On a le droit à quelques morceaux de l’album live de 1979, des titres débordant d’énergie mais aussi de feeling (« Nobody’s born to lose », « Seaside bar song », « Riot in Toulouse », « High time » et la superbe version de « Lucille »). La voix de Roberto survole une rythmique plombée et des guitares tranchantes Little Bob nous fait aussi une excellente surprise avec quelques extraits d’un concert inédit de 1988 (« Roads of freedom/Kick out the jam », « Light of my town/ I fought the law » et « Tell everybody the truth »). On peut apprécier le jeu inspiée du génial guitariste Yves Choir. Mais on est surtout gâté avec l’ajout de quelques morceaux du live d’anthologie de Mister Bob enregistré au Havre en 1984 (et paru sur « Wanderers, followers, lovers » en 1985) : « So crazy », « Moving slowly in the dark » et « Mad dog ». Et par-dessus tout, on se régale de ce merveilleux duo avec le grand Southside Johnny sur « Dancing in the streets » et le splendide « Bring it on home to me ». Á l’époque, seuls quelques petits veinards avaient pu se délecter de ces chansons inoubliables grâce à un 45 Tours offert en supplément de ce magnifique album. Personnellement, cela faisait une éternité que j’attendais la réédition en cd de ces titres magiques qui justifient à eux seuls l’achat de ce « High times 76-88 ». Enfin, j’aurais pu tout simplement résumer cette longue chronique en une seule phrase : une superbe compilation qui résume une carrière bien rock n’ roll ! Oui, j’aurais pu… Comme le dit si justement Little Bob, « Keep on rockin’ ! »

Olivier Aubry